6. École normale d’Ottawa

Construction : 1874 à 1875

Architectes :  Walter R. Strickland, conception | James Mather, architecte coordinateur

Emplacement :  195, rue Elgin, Ottawa

 

L’École normale d’Ottawa, conçue par l’architecte torontois Walter R. Strickland, est une interprétation éclectique du style néogothique. Sa façade symétrique, mise en valeur par un bloc central protubérant et des pavillons latéraux avec des entrées à pignon, est recouvert d’un toit Second Empire d’où s’élève un beffroi central à aiguille, une série d’élégantes tourelles et des crêtes ornementées garnies de ferronneries.

Les écoles normales, qu’on appellera par la suite collèges des enseignants, servaient à prodiguer une formation sur les « normes » de l’enseignement. Avec ses entrées et ses salles de classe distinctes pour les hommes et pour les femmes, le plan fonctionnel de l’immeuble traduit l’aversion, pour la classe moyenne de l’ère victorienne, au mélange des sexes. L’entrée principale était réservée aux administrateurs de l’école, tous des hommes.

Une école modèle (où les aspirants enseignants acquéraient de l’expérience pratique en salle de classe) a été ajoutée en 1879. Conçue par l’architecte Kivas Tully, beau-frère de Walter Strickland, elle s’agence harmonieusement avec l’édifice d’origine.

Structure élégante digne de figurer sur une carte postale, l’École normale d’Ottawa embellissait l’intersection des rues Elgin et Lisgar depuis presque 100 ans quand une menace est apparue.

En 1969, le gouvernement de l’Ontario annonçait que les écoles normales seraient affiliées à des universités. Cinq ans plus tard, l’Université d’Ottawa annonçait la construction d’un nouvel immeuble pour la Faculté de l’éducation, où serait logée l’École normale (devenue, en 1959, Collège des enseignants d’Ottawa).

Dès 1972, la rumeur courait que le gouvernement provincial, sachant que l’immeuble de l’École normale serait bientôt libéré, entendait regrouper ses services locaux dans un immeuble en hauteur qui serait construit sur le même site. L’édifice historique serait donc détruit.

Le comité du patrimoine de l’organisme La capitale des Canadiens a réagi immédiatement.

L’historienne et journaliste locale Gladys Blair s’est mise à l’œuvre, avec Eleanor Polk, qui deviendrait une des premières présidentes de Patrimoine Ottawa, pour mobiliser le public à la défense de l’édifice. Une avalanche de lettres exprimant la colère a déferlé sur le premier ministre et les députés provinciaux.

En novembre 1974, le Collège a été désigné lieu historique national du Canada, éloignant la menace de démolition sans toutefois l’éliminer.

Le péril s’est en fait précisé en août 1978 quand, après avoir servi pendant 103 ans à la formation d’enseignants ontariens, l’ancienne École normale a fermé ses portes une dernière fois. L’immeuble était vacant et vulnérable.

C’est seulement en 1990 que les soucis pour son avenir ont finalement été dissipés. L’École normale a été intégrée avec bonheur au nouveau siège de la Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton. À l’intérieur, de nombreux éléments et finitions ainsi que des aspects du plan d’origine ont été conservés.

Dans le numéro de décembre 1981 d’Ottawa Magazine, le cofondateur de Patrimoine Ottawa R.A.J. Phillips a résumé le rôle joué par l’organisme :

« Cette remarquable silhouette gothique isolée sur la place Cartier a déjà été condamnée à la démolition par le gouvernement de l’Ontario. À partir de Toronto, il était difficile de voir, même par temps clair, l’importance d’un immeuble ancien. ... L’“École normale” d’Ottawa est du reste le plus bel immeuble sur ce qui pourrait être une de nos avenues monumentales.

« … Le changement de cap décisif est survenu quand la CCN, à laquelle les Ottaviens doivent tellement plus qu’ils ne le reconnaissent habituellement, a négocié une entente d’échange de la propriété contre un terrain où Queen’s Park pourrait construire sans nuire. Une fois que l’édifice a été sauvé des bulldozers, le même gouvernement provincial, manifestement insensible à l’ironie, y a posé une plaque témoignant de sa grande importance historique. Il paraît que la cérémonie était touchante. Patrimoine Ottawa n’y a pas été invité. »

L’ancienne École normale d’Ottawa continue d’agrémenter l’angle des rues Elgin et Lisgar, faisant partie de l’hôtel de ville d’Ottawa.